La chitine, un polymère naturel présent dans les coquilles de crustacés, les exosquelettes d’insectes et les parois cellulaires fongiques, est très prometteuse en tant qu’élément de base pour les matériaux issus de la bio-ingénierie. Les chercheurs ont désormais acquis une compréhension plus détaillée de la façon dont l’eau interagit avec différentes formes de chitine à l’échelle nanométrique, et de son impact sur les propriétés du matériau et ses applications potentielles.
Le rôle de l’eau dans le comportement de la chitine
La structure nanométrique de la chitine influence fortement ses propriétés chimiques et mécaniques. Lorsque la chitine est hydratée, c’est-à-dire qu’elle est entourée d’eau, la façon dont les molécules d’eau s’organisent autour du matériau peut avoir un impact profond sur son comportement. Jusqu’à présent, les structures spécifiques de cette « couche d’hydratation » sont restées largement floues, limitant notre capacité à exploiter pleinement le potentiel de la chitine.
Un effort collaboratif pour percer le mystère
Une équipe de chercheurs du Nano Life Science Institute (WPI-NanoLSI) de l’Université de Kanazawa, en collaboration avec des experts de l’Université de Tokyo et de l’Université Aalto en Finlande, a réalisé des progrès significatifs dans l’élucidation de ces structures. Grâce à des techniques avancées – microscopie à force atomique tridimensionnelle (3D-AFM) et simulations de dynamique moléculaire – ils ont pu observer et modéliser la manière dont les molécules d’eau s’organisent autour de différentes formes de chitine hydratée.
Deux formes de chitine : α et β
La chitine se présente naturellement dans deux structures cristallines principales : α et β. La principale différence réside dans la façon dont les longues chaînes de molécules sont alignées : sous la forme α, elles sont antiparallèles, tandis que sous la forme β, elles sont parallèles. Cette différence apparemment minime a un effet étonnamment important sur la manière dont l’eau interagit avec le matériau.
3D-AFM : Visualiser l’organisation de l’eau
La microscopie à force atomique (AFM) est une technique utilisée pour cartographier la surface des matériaux à l’échelle nanométrique. Les chercheurs ont utilisé une version modifiée de l’AFM, appelée 3D-AFM, qui leur a permis non seulement de visualiser la forme des nanocristaux de chitine, mais également d’analyser la disposition tridimensionnelle des molécules d’eau environnantes.
Structures uniques dans la β Chitine
L’analyse de l’équipe a révélé un degré élevé d’ordre dans la forme β de la chitine, qui a été moins étudiée dans le passé. Ils ont observé des cassures occasionnelles dans cet ordre, résultant en un motif qui « ressemble à des épis de maïs partiellement mordus ou à un motif de maçonnerie ». Notamment, les motifs structurels s’étendent sur toute la fibre de chitine, et pas seulement sur la surface.
L’impact des niveaux de pH
Les chercheurs ont également étudié comment différents niveaux de pH (acidité ou alcalinité) affectaient les structures des fibres de chitine hydratées. Ils ont constaté que le niveau élevé de cristallinité observé était maintenu même dans des solutions tampons acides avec un pH de 3 à 5.
α vs β : l’influence de l’eau sur la réactivité
L’une des découvertes les plus significatives de l’étude était la différence de structure de l’eau et de liaison hydrogène entre les deux formes cristallines de chitine. Les rainures de la chitine α sont plus grandes, ce qui permet une plus grande accumulation d’eau, créant ainsi une « barrière d’hydratation » qui empêche les interactions avec les ions et les molécules, la rendant moins réactive. En revanche, l’environnement d’hydratation structuré de la β-chitine abaisse la barrière énergétique pour l’accès et la réaction des enzymes.
Ces découvertes pourraient expliquer pourquoi certaines enzymes réagissent avec la chitine sous une seule forme cristalline et pas sous l’autre.
Implications pour les applications biosourcées
Cette nouvelle compréhension du rôle de l’eau dans les propriétés de la chitine a des implications importantes pour le développement de technologies biosourcées. Les chercheurs suggèrent que ces connaissances pourraient éclairer la création d’applications bioprotoniques – des dispositifs qui reposent sur le transport de protons – et d’hydrogels, car la couche d’hydratation influence la diffusion ionique et moléculaire. La compréhension nuancée des couches d’hydratation permettra d’optimiser les matériaux à base de chitine pour des applications spécifiques, libérant ainsi tout leur potentiel dans des domaines tels que l’ingénierie biomédicale et la science des matériaux durables.









































