Depuis des années, de nombreux voyageurs s’appuient sur des calculateurs d’empreinte carbone en ligne pour évaluer l’impact environnemental de leurs vols. Cependant, une nouvelle étude suggère que ces outils sous-estiment considérablement les émissions de carbone réelles générées par le transport aérien, parfois plusieurs fois. Cela signifie que votre vol pourrait être considérablement plus dommageable pour la planète que vous ne le pensez.
Le problème avec les calculateurs de carbone existants
Jhuma Sadhukhan et ses collègues de l’Université de Surrey au Royaume-Uni ont récemment comparé les estimations d’émissions de quatre calculateurs de carbone établis avec un nouveau qu’ils ont développé. Les résultats ont été surprenants. Les calculateurs actuels ne parviennent souvent pas à refléter avec précision le véritable impact climatique du vol.
Prenons cet exemple : un vol en première classe de Singapour à Zurich à bord d’un avion B777. Des calculateurs établis tels que ceux de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Association du transport aérien international (IATA) ont estimé environ 3 000 kilogrammes d’équivalent dioxyde de carbone. Le Travel Impact Model (TIM) de Google l’évalue à environ 5 000 kg, tandis que MyClimate l’estime à 8 000 kg. Cependant, le nouveau calculateur d’émissions dynamiques des passagers aériens (ATP-DEC) de Sadhukhan et Goean suggère que le nombre réel était supérieur à 14 000 kg, soit une différence substantielle.
Pourquoi cet écart ?
Le calculateur ATP-DEC s’écarte des méthodes existantes de deux manières cruciales. Premièrement, au lieu de simplement supposer une trajectoire de vol idéale, il exploite les données de vol historiques pour estimer l’itinéraire le plus probable, la durée du vol, le temps de roulage (avant le décollage et après l’atterrissage) et l’occupation probable de l’avion. Ces facteurs influencent considérablement la consommation de carburant et, par conséquent, les émissions.
Deuxièmement, et c’est tout aussi important, l’ATP-DEC intègre un plus large éventail d’impacts climatiques associés au transport aérien. Il s’agit notamment de la formation de traînées de condensation (traînées de condensation laissées par les avions), des émissions d’oxydes d’azote et du rejet de vapeur d’eau, qui peuvent tous avoir un effet de réchauffement sur l’atmosphère. Les traînées de condensation, en particulier, peuvent avoir un impact sur le réchauffement plus important que le dioxyde de carbone rejeté.
Les calculateurs existants font souvent la moyenne des valeurs de ces facteurs, sans tenir compte de l’avion spécifique, des conditions de carburant ou des conditions atmosphériques externes. L’ATP-DEC est plus complet.
La nature dynamique de l’ATP-DEC (mise à jour continue des données de vols passés) est également essentielle. De nombreuses compagnies aériennes ont été contraintes d’emprunter des itinéraires plus longs en raison de la guerre russe en Ukraine, un facteur que de nombreux calculateurs actuels ne prennent pas encore en compte.
Un effort plus large pour améliorer la précision
L’équipe prévoit de rendre sa calculatrice accessible à d’autres et développe une application qui devrait être lancée au début de l’année prochaine. Ils sont également prêts à aider les compagnies aériennes à intégrer l’ATP-DEC dans leurs opérations, même si la mise en place des flux de données nécessaires pourrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Les écarts mettent en évidence une conversation plus large sur les programmes de compensation carbone. Alors que de nombreuses compagnies aériennes offrent aux passagers la possibilité de compenser volontairement les émissions de leurs vols, certaines études ont remis en question l’efficacité de ces systèmes.
Réactions et orientations futures
L’OACI a reconnu que sa méthodologie de calcul des émissions de carbone est détaillée sur son site Web, mais a déclaré qu’elle ne quantifie pas actuellement l’impact des gaz autres que le CO2 sur le changement climatique en raison d’un manque de consensus scientifique.
Dan Rutherford du Conseil international sur les transports propres, une organisation qui conseille Google, a souligné que le TIM est une ressource précise et transparente et que Google travaille continuellement à l’améliorer, notamment en intégrant des polluants climatiques à courte durée de vie comme les traînées de condensation.
« Nous apprécions cette étude comme un ajout précieux à la discussion en cours », déclare Kai Landwehr de MyClimate. Les incertitudes concernant les effets de réchauffement, par exemple des traînées de condensation, signifient qu’aucune méthode ne peut prétendre être absolument exacte, mais l’utilisation de données meilleures et plus récentes améliorera la précision. »
L’étude souligne la nécessité de méthodes plus précises et plus complètes pour calculer l’impact environnemental du transport aérien et incite à réévaluer la manière dont nous comprenons et traitons l’empreinte carbone du transport aérien. À mesure que les scientifiques acquièrent une meilleure compréhension des impacts climatiques autres que le CO2, les calculateurs d’émissions des vols continueront d’évoluer, aboutissant à terme à des outils plus précis et plus utiles pour les voyageurs et l’industrie aéronautique.
