Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à démontrer qu’un satellite en orbite se réoriente de manière autonome grâce à l’intelligence artificielle. Cette réalisation, une étape importante vers des opérations spatiales totalement indépendantes, pourrait améliorer considérablement la sécurité, l’efficacité et la rentabilité des missions satellitaires.
Le défi de l’orientation des satellites
Les satellites en orbite sont soumis à l’attraction incessante de la gravité terrestre et à l’élan de leur déploiement initial. Même si la gravité les fait tourner en rond, un contrôle précis de leur attitude – leur orientation dans l’espace – est essentiel. Ce contrôle dicte la direction des instruments, gère l’exposition thermique au soleil et permet le repositionnement pour des performances optimales. Traditionnellement, les ajustements d’attitude étaient gérés par des opérateurs humains ou par des routines logicielles préprogrammées. Les deux méthodes prennent du temps, sont coûteuses et sont limitées par leur incapacité à s’adapter à des circonstances imprévues.
LeLaR : la percée de JMU
Des chercheurs de la Julius-Maximilians-Universität Würzburg (JMU) en Allemagne ont développé et démontré un système d’IA capable de contrôler de manière autonome l’attitude d’un satellite sans intervention humaine. Le projet, appelé In-Orbit Demonstrator for Learning Attitude Control (LeLaR), utilise l’apprentissage par renforcement profond – un type d’apprentissage automatique – pour « apprendre » au logiciel de commande de vol du satellite comment ajuster son orientation si nécessaire.
Cette approche réduit considérablement le temps et les coûts de développement par rapport aux méthodes traditionnelles. Au lieu de passer des mois ou des années à programmer méticuleusement tous les scénarios possibles, l’IA apprend à s’adapter et à optimiser son propre comportement en temps réel.
Fonctionnement du test
L’équipe JMU a d’abord formé le modèle d’IA dans un simulateur haute fidélité. Ensuite, ils l’ont téléchargé sur le contrôleur de vol du nanosatellite InnoCube, actuellement en orbite terrestre basse. Lors d’un test le 30 octobre, le satellite a réussi à ajuster son attitude pour correspondre à l’orientation d’une cible, à l’aide de roues de réaction mécaniques contrôlées par l’IA. L’équipe a répété le test lors des passes suivantes, confirmant ainsi la fiabilité du système.
“Ce test réussi marque une étape majeure dans le développement des futurs systèmes de contrôle des satellites”, a déclaré Tom Baumann, assistant de recherche du JMU impliqué dans le projet. « Cela montre que l’IA peut non seulement fonctionner en simulation, mais également exécuter des manœuvres précises et autonomes dans des conditions réelles. »
La tendance plus large : l’IA dans l’automatisation spatiale
Bien que LeLaR représente la première fois qu’un satellite contrôle sa propre orientation en orbite, il s’inscrit dans une tendance croissante vers une automatisation spatiale basée sur l’IA. Le Jet Propulsion Laboratory de la NASA a utilisé l’IA pour cibler dynamiquement les caméras des satellites, évitant ainsi la couverture nuageuse. Le laboratoire de recherche naval américain développe Autosat, un système qui permet aux satellites de calibrer leurs signaux et de transmettre des données de manière autonome. Des chercheurs de l’Université de Californie à Davis et de Proteus Space préparent un satellite capable de surveiller sa propre santé, libérant ainsi les ingénieurs pour d’autres tâches.
Ce que cela signifie pour l’avenir
La démonstration LeLaR ouvre la voie à un développement de satellites plus simple et plus efficace, réduisant les coûts et accélérant les déploiements. Le professeur Sergio Monténégro, membre de l’équipe du JMU, a souligné l’importance de cette avancée majeure : “C’est une étape majeure vers une autonomie totale dans l’espace. Nous sommes au début d’une nouvelle classe de systèmes de contrôle de satellite : intelligents, adaptatifs et auto-apprenants.”
Cette avancée marque une évolution vers des opérations spatiales plus indépendantes et plus résilientes, où les satellites peuvent s’adapter à des conditions changeantes et effectuer des tâches complexes sans surveillance humaine constante. L’ère des satellites entièrement autonomes n’est plus une perspective lointaine ; cela devient rapidement une réalité
